Au soleil de Rennes le 14 février 2019 (7)
ISAURE S'EN PREND A M. GOOGLE-BOOKS !
10 novembre 1886
On est tous le sagouin d’un autre. Allez savoir si ce petit singe dont on m’a chargé de faire l’éducation ne me traite pas de tous les noms d’oiseaux qu’il connaît dès que j’ai le dos et la soutane tournés ? « Le macaque sent toujours le hareng », comme dit le proverbe touareg made in Breizh.
Si on m’avait prédit au grand séminaire que je passerais ma vie à aller de château en château pour venir à bout, aidé de domestiques plus ou moins évolués, de ce genre de sapajous, j’aurais peut-être bien fait demi-tour et, plutôt que de devenir « ce bon abbé Raquin », précepteur du petit-fils de Madame la duchesse de Chevreuse, je….
Qu’eussé-je fait, au reste ? Nul ne sait ce que sera son destin, son cheminement, sa profession vers les vingt ans. Les voies du Seigneur sont impénétrables.
Et après tout, ce petit Manu dont je m’occupe est peut-être promis à un destin grandiose auquel j’aurai contribué pour une petite part ? Sera-t-il ambassadeur ? Général ? Député-maire ? Propriétaire terrien ? Banquier ? Président de la République ? Il n’en prend pas vraiment le chemin si j’en crois ce que j’ai noté dans mon journal intime :
« Jeudi 7 octobre
Le gosse, impassible, raisonneur, vantard, se moque de M. Moulin, devient insolent, malhonnête, refuse de corriger son devoir, me dit qu’il sera bien content d’être débarrassé de moi pendant la journée, est privé de monter à cheval, en revenant casse un service de porcelaine, jure ses grands dieux que ce n’est pas lui et est malhonnête pour sa grand-mère à laquelle il répond insolemment. Se tient passablement à table, fait presque une scène à la chapelle pour sa prière, ne cesse que devant la menace et s’en va se consoler dans le sein de la belle Julie pendant qu’Albert, le domestique, le cherche partout.
Vendredi 8 octobre
Le gosse fouetté en règle, à 8 ans, par sa grand-mère, Henri, un autre domestique, tenant le patient. La grand’mère vient me l’annoncer tout émue. Le gosse, néanmoins, s’en vient en classe quelques instants après en chantant et en dansant.
Etc., etc. "
Il ne m’appartient pas de porter un jugement sur les gens qui m’emploient et me paient mais cet usage voire cet abus du châtiment corporel par Madame la duchesse me hérisse un peu le poil. Heureusement cette humiliation permanente des fessées cul nu, ces tournées de martinet, n’ont aucun effet sur le comportement du gamin. Il sort de la correction en tirant la langue, faisant les cornes et en chantant ces diableries dont je me demande bien qui a pu les lui apprendre. Peut-être tient-t-il ce caractère mi-rousseauiste, mi-voltairien de sa mère ? Ce serait ça l’âme russe ? En prendre plein la tronche et continuer à chanter Kalinka ou Bayouchki Bayou ? Ce doit être son côté bon petit diable ou général Dourakine. La princesse Galitzin et la duchesse de Chevreuse, à ce qu’on m’a dit, ne s’entendaient pas très bien. Il est bien possible qu’elle ait monté cet enfant contre sa belle-mère.
S’il y eut ce procès retentissant, si je suis là, c’est bien pour que l’étrangère soit dépossédée et que les biens, les terres et le château restent, par l’intermédiaire de ces deux enfants-là, dans la famille d’Albert de Luynes-de Chaulnes- de Chevreuse, je me perds dans leurs titres et me noie dans leurs pages de mauvais roman balzacien. Peu importe leur nom. Mon élève est un âne et tous les ânes s’appellent Martin. Asinus asinum fricat. J’enseigne le latin à un petit sagouin.
Si j’avais un peu de temps en plus, je reprendrais bien aussi l’éducation de la bonne, la petite Julie qui s’occupe d’Emmanuel. Encore qu’elle en sache beaucoup plus que moi sans doute sur les choses de la vie, au moins sur le côté « origine du monde » et Jeanneton prend sa faucille la rillette, la rillette (nous sommes dans la Sarthe). Il y aurait beaucoup à reprendre dans son effronterie et beaucoup à dire sur sa légèreté de cuisse. Je l’ai surprise cet après-midi dans la tour du trésor en compagnie d’un vaurien des alentours de Solesmes qui vient faire les quatre cent coups par ici. Je le reconnaîtrais entre mille : il a des sourcils broussailleux et des opinions socialistes. Je crois que ce banlieusard s’appelle Ulysse.
13 novembre 1886
Tout cela m’indiffère désormais ! Je laisse Julie à son Ulysse et Manu à son destin de 9e duc de Machin Truc qui sera passé chez les Jésuites du Mans. Je pars dans 24 heures pour un autre poste à Louviers chez M. et Mme de La Haye-Josselin. Pas fâché de quitter ce château qui me foutait les boules ! Merci Seigneur !
***
On est tous le sagouin d’un autre et je ne suis pas la dernière des sagouines. Qu’est-ce qui me prend de farfouiller dans la vie de ces gens qui ont peut-être encore des descendants vivants aujourd’hui ? Voilà que je donne libre cours à des tendances «journaliste fouille-merde» au prétexte que je suis échotière très épisodique au journal « Le Défi du samedi » ! Et tout ça parce que monsieur Krapov, mon ancien hébergeur, a fréquenté ce château si empli de fantômes et de phéromones dans sa jeunesse !
Il n’empêche. S’il y a un autre sagouin dans l’histoire, c’est celui qui a entrepris de publier le journal intime de l’abbé Raquin en vue de glorifier ce coin de France qu’on appelle le Charolais ! Un journal intime, ça devrait le rester non ?
Et s’il y a un sagouin ultime c’est forcément monsieur Google-books. Quelle manie il a, celui-là, de caviarder des passages dans les livres qu’il reproduit ! Mille milliards de bachi-bouzouks ! Va jusqu’au bout, espèce d’enflure numérique ! Soit tu as le droit de reproduire le livre et tu nous le donnes dans son entièreté, soit tu es un voleur et alors cache-toi et garde ton butin !
Foi d’Isaure Chassériau, tu m’énerves à faire les choses à moitié ! Toi tu salis et tu salopes quand nous on salive au salon ! Sagouin, va !
Ecrit pour le Défi du samedi n° 546 à partir de cette consigne : sagouin
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Santa Lucia !
Voilà ! Ca fait un an ! Un an que j'ajoute des chansons complètement improbables dans ma pauvre guitare et dans ma vieille oreille ! J'en ai tout un classeur maintenant et je m'interroge bien encore sur l'utilité de tout cela ! On va dire que je fais ma B.A. et que j'accompagne des octogénaires qui vont chanter ces choses-là à des nonagénaires en maison de retraite. Il faut bien que vieillesse se passe !
J'ai quand même réussi à faire le tri et à faire éjecter une quinzaine de trucs totalement inchantables ou stupides : le Darla dirladada de Dalida, par exemple ! En allant à la pêche dans ce qui restait et qui ne croisait pas avec celles que j'ai dans mon propre répertoire, je suis tombé là-dessus : "Santa Lucia", une chanson napolitaine dont la chorale n'a gardé que deux couplets et un seul refrain (chanter en italien, c'est trop dur ! Et "ô Tannenbaum", je ne vous raconte pas, il y a un méchant bloquage !) !
Et qui est-ce qui la chante, la ritournelle napolitaine, sur Youtube ?
Eh ben oui ! Tonton Georges ! Avec Toni Sirop ! Il nous aura tout fait cet homme-là !
Ils sont fous, ces Roumains !
Il y a quelques années, j'ai eu le bonheur de tomber sur un forum roumain absolument délirant. Le communisme dans toute sa splendeur... et toute sa positivité : des collectionneurs de bandes dessinées qui partagent avec le monde entier leur collection d'un magazine de bédés scannées avec leurs petites mains et la sueur de leur front. Même sous la torture, je ne donnerai pas l'adresse de cette caverne d'Ali Baba ! C'est mon jardin plus que secret et je ne devrais même pas en parler ici !
Il y a aussi à boire et à manger dans le tas et j'ai trouvé ceci, qui est assez drôle : c'est un plan aérien des jardins du château de Versailles !
Etonnant, non, la ressemblance avec Riquiqui (et Roudoudou) ? ;-)
Une recommandation de M. Youtube
J'ai craqué ! D'habitude M. Youtube me recommande des trucs complètement nuls, totalement à côté de ma pratique, preuve qu'ils ne savent pas grand chose sur moi ! Les vociférations de M. Dieudonné et les 85 personnalités disparues en 2018 ne me font ni chaud ni froid.
Et puis là, la formule "le syndrome du Playmobil" m'a interrogé et je n'ai pas été déçu par la réponse, même si c'est assez méchant, tout ça !