- Et dis-moi qui est la plus belle d’entre toutes?
- Ce n’est pas toi, jalouse ! C’est celle qui, la nuit des étoiles filantes, voit les feux de l’amour. C’est celle dont le cœur et la raison, lucides, savent distinguer le véritable gentleman de l’homme idéal et du mufle qui s’endort. C’est celle que la flûte, le vent galant des poètes, fera toujours danser, légère à l’infini. C’est la fille des rues qui cueille la fleur des îles dans le roman du large de Verlaine et Rimbaud. C’est celle qui court, curieuse, derrière le lapin blanc au rendez-vous galant du bon valet de cœur quand le bonheur est dans le pré et le vin tellement agréable qu’un décolleté plongeant dans l’éther glacial de Venise transporte les amoureux de Peynet sur de lointains satellites de feu…
- OK, OK, arrête ! Je l’imagine très bien ta Dulcinée bimbo ! Elle aime la lingerie fine, elle a les renflements qu’il faut là où il faut et le sourire à la con des morues de la pub ! Elle bacchanale avec le dieu Bacchus, succube dans les allées du bois de Boulogne et manigance ailleurs avec Rocco ou les sept nains. Elle a le cul si débauché qu’on organise des battues de police outre-Manche pour mettre la main dessus et l’enfermer dans les fumets des grands orages d’été de Georges Sand et Alfred de Musset. Tu me rends folle, miroir magique ! Ça me troue le derrière de savoir que la plus belle d’entre toutes c’est la p’tite obsédée qui méduse trolls et lutins !
Pondu pour l'Atelier d'écriture de Villejean du mardi 12 janvier 2021
Dieu était assez content de lui. Ça se passait très bien, finalement, sa genèse. Il avait fait le monde en six jours, s’était reposé le septième et maintenant, depuis son laboratoire, il regardait s’ébattre ses petites créatures dans cet Eden parfait.
Il avait dit aux grenouilles : « Vous coasserez et vous multiplierez » et les grenouilles coassaient et multipliaient les bonds de feuille de nénuphar en barreau d’échelle d’aquarium (le fameux barreau-mètre).
Il avait dit aux corbeaux : « Vous croasserez et vous multiplierez » et les corbeaux croyaient les renards flatteurs, lesquels lorgnaient sur le fromage qu’il tenaient en leur bec. Après, ne se sentant plus de joie d’être appelés phénix comme en Arizona, ils lâchaient le calendos que l’autre boulottait. (Faut pas leur en demander trop à ces volatiles car les oiseaux sont un peu des cons d’après ce qu’en dit le facteur Chaval).
Il avait dit à Manureva et à Manuradam de ne pas toucher à l’arbre de la connaissance du bien et du mal et de fait l’idée ne leur venait même pas de s’en approcher. Le serpent qui veillait sur la pomme s’emmerdait à cent sous de l’heure – c’était là le montant de son SMIC horaire -.
Tout allait bien. De temps en temps il dépannait ses locataires humains, les plus dégourdis de la troupe, en leur fournissant des outils de son atelier.
Manureva s’était mis en tête de se tisser des vêtements alors que le thermostat était réglé tout au long de l’année sur « vacances estivales ». Ne sachant pas trop ce qui pouvait passer par la tête des femmes et ne voyant pas malice à ce qu’elle désirât avoir un « dressing » et à organiser un défilé de mode il lui avait fait cadeau d’aiguilles et de fils divers tirés de sa panoplie de chirurgien.
Manuradam était un bricoleur de première. Couteau, scie, hache, rabot, varlope, avec tout ça il fabriquait toutes sortes d’objets inutilitaires auxquels Dieu lui-même n’aurait jamais pensé.
Le seul ennui c’est que ces deux-là qui s’entendaient comme larrons en foire étaient très bruyants et très bavards. Mais bon, à un univers créé en six jours, faut pas lui en demander trop non plus !
Ce lundi matin-là, Manuradam avait eu un coup de bambou. Enfin plusieurs. Plusieurs coups de hache dans la plantation de bambous.
- Qu’est-ce que tu fais, Chouchou ? demanda Manureva qui venait de se confectionner la veille un magnifique wonderbra en feuilles de palmier. « De l’anglais wonder qui signifie "merveille" et de l’italien bravissimo qui signifie «j’aime beaucoup» » avait commenté Manuradam qui se piquait d’étymologie alors que Dieu n’avait encore inventé ni Alain Rey ni la tour de Babel et encore moins le breton et le syldave.
- Aujourd’hui j’ai inventé le xylophone. Du grec xùlon qui signifie « bois » et du grec phôné qui signifie « le clown qui parle ».
- C’est un instrument pour traduire la langue de bois ?
- Non, écoute plutôt ça !
Le bricoleur avait aligné des morceaux de bambou de longueurs différentes sur deux planches auxquelles il les avait attachés avec de la ficelle de cuisine.
- En tapant dessus avec ma mailloche, j’émets des sons différents. Je crois bien que maintenant, avec ça, je vais pouvoir inventer la musique !
- Ah, Choupinet, c’est chouette ! C’est super-joli ! Ça me donne envie de me secouer les miches ! Je crois que de mon côté je vais inventer la danse ! Vas-y, tape sur tes bambous et sois numéro 1 ! Tahiti quoibaudou équateur méridien !
***
C’est ce jour-là qu’Augustin Dieu découvrit qu’il était mélophobe (du grec de derrière melos "la musique" et du grec de devant phobé "la détestation". - Il vaut mieux se piquer d’étymologie que d’héroïne ou de vaccin anti-covid, enfin, tout ça se discute -).
A longueur de journée Manuradam enchaînait des titres de sa composition : «Voyage voyage», «Les démons de minuit» «Chacun fait ce qui lui plaît» «Étienne Étienne» «Besoin de rien, envie de toi» et franchement ça lui cassait bien les oreilles au Créateur.
- C’est dommage qu’on ne soit que deux à chanter, disait-Maruradam à Manureva, sinon j’aurais bien inventé la SACEM aussi !
Dieu n’en pouvait plus de l’entendre taper sur ses bambous. Il retourna donc dans son atelier et pour faire cesser la musique de Radio Jamaïque il fabriqua les insectes xylophages (termites, capricornes, etc, voir le Défi du samedi consacré à ce mot) auxquels il n’avait pas songé dans sa prime genèse.
Mais ça prenait du temps de ronger les bambous : le xylophone était solide, les insectes tout petits et ils s’y cassaient les dents. Augustin perdait patience. Il n’aimait vraiment pas, mais pas du tout la musique !
- Il faut que je trouve un moyen de les chasser du paradis terrestre ! maugréait le barbu.
Au bout d’une semaine de «Another brick in the wall», de «One step beyoooond» et de «Rooooooxane» il s’approcha de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Il libéra le serpent de ses obligations militaires et le remplaça par un pangolin et une chauve-souris, ce qui était très con en fait. Si seulement il avait eu l’idée basique d’inventer les boules Quies, à l’heure qu’il est (3 h 30 du matin) on serait encore en train de danser au Palace, surtout les nuits de la pleine lune.
Ici, verrou tiré, on prendra son panard : Vertiges de l’amour et vol de marguerite, Au salon de Vénus, aux boudoirs satellites, Valets de cœur, lingerie fine et séduction !
Le bonheur dans le pré sans le serpent dans l’herbe !
Eros, elle a vécu ce qu’en a dit Malherbe, Balancelle, dentelle et rires à foison, Démesure, satin, passion et possession !
Prime à qui perdra sa vertu dans le gazon !
Pondu pour l'Atelier d'écriture de Villejean du mardi 12 janvier 2021
Il tire à l’aveuglette Ou au petit bonheur Sa flèche d’opérette Qui ne touche pas le cœur :
Tu la reçois dans l’estomac Et tu deviens Gargantua
Tu la reçois dans le derrière Et on t’appelle Pervers Pépère
Tu la reçois dans l’bigoudi Tu deviens Rocco Siffredi
Tu la chopes au métatarsien Et te voilà marathonien !
Les Bidochon, Rimbaud, Verlaine, Proust que délaisse Madeleine, Mal assortis, scènes de ménages, Landru qui s’occupe du chauffage A l’hôtel du Retourne-cul Là où je t’aime moi non plus, Tous les couples à la Dubout Qui ne sauront jamais Capoue Parce qu’un sinistre angelot Carnavalle avec ses grelots, Le régiment des mal-aimés, Ces jours-là, ne fait qu’essaimer !
Brassens qu’en a pris plein la pomme L’a nommé « Sale petit bonhomme ! »
Et ceux qui lui gardent rancœur L’appellent « Le poison du cœur ».
Pondu pour l'Atelier d'écriture de Villejean du mardi 12 janvier 2021
Dans le bordel des rois Sur les bords de la Loire,
Dans l'éther de Venise, Au salon de Vénus,
Dans la galerie des glaces A Versailles, au Palace,
Les récits du boudoir Et des bruits de couloir
- A moins que ce ne soit Une ineptie sortie Des Contes des mille et une nuits -
Nous racontent ceci Que rien ne garantit :
La belle au bois dormant Mouillant sa robe de bal La met à la fenêtre Pour qu’elle sèche la nuit.
Perspective du soir ! Prospérités du vice !
Imaginant la belle Dans sa lingerie fine Casanova est pris D’une passion dévorante Pour l’éternelle idole Et son cœur est brisé ;
Paul Rubens (Les Trois grâces) Rêve de culs païens et de bourrelets gras ;
Les lits du Danieli Ou étincellent à deux Georges Sand et Musset Et aussi Pagello S’enflamment des feux de l’amour.
Le dieu Bacchus lui-même Clame « Tu me rends folle ! ».
La langue de Molière Se traîne jusqu’au sol Et ses yeux deviennent ceux Du loup de Tex Avery.
Les bonobos en rut Dans le chœur des églises Entament le cantique De Salomonte, monte !
Le nocturne du roi S’élève pour la dame Dont la robe qui sèche Sans le savoir professe L’anatomique leçon du soir :
Pour une nuit de noces, Une petite mort, Une érection ne coûte rien Mais peut vous rendre con Comme un orteil sucé !
Méfiez-vous de la nuit parfaite Car le diable est dans les détails !
A l’origine du monde Il coule un vin si agréable Que Verlaine et Rimbaud Sur ce désir d’y boire Ni trouvèrent que déboires, Saison d’enfer, Voie sans pardon, Larmoiements et clous de satin Et cette religion du démon Leur coûta même le Panthéon !
Pondu pour l'Atelier d'écriture de Villejean du mardi 12 janvier 2021
Jacques Perry-Salkow a encore sévi, pour notre plus grand bien (ou mal) ! Ce spécialiste des anagrammes a mélangé les lettres des formules de gauche du tableau ci-dessous pour obtenir une autre formule inscrite juste en face dans la colonne de droite.
Comme dans les précédentes versions de ce jeu déjà pratiqué ici (voir des exemples), il vous est demandé d’écrire une histoire, un poème, un texte assez court qui commence obligatoirement par la formule de gauche et se termine par la formule de droite correspondante.
Vous pouvez bien entendu répéter l’exercice plusieurs fois.
Si cela vous semble trop compliqué l’animateur vous permet d’écrire un texte d’une forme différente mais dans lequel vous devrez insérer vingt formules piochées dans le tableau.
N.B. Pour ne pas causer de désagrément aux auteurs, le tableau a été retiré de ce blog à l'issue du jeu. Une raison de plus de faire marcher votre curiosité et de vous enquérir de cet ouvrage auprès de votre libraire préféré·e.
Ah bon ? On en a trop, maintenant ? Dans un an ce sont des seringues qu'on rencontrera sur les trottoirs ?
M'enfin, camarade Leperdit ! Mets-le correctement, ton masque ! Et puis ne déchire pas ton Autoristaion Dérogatoire de Déplacement ! On ne sait pas de quoi le futur est fait !
J'aime ta couleur café...
Vous avez aimé la marche nordique ? Vous allez adorer le cyclisme nordique !
Ca y est ! C’est reparti ! Bienvenue à Korototoka, le pays des encres d’automne ! Ces grands-mères qui savent tout sur le monde des hommes vont encore se battre pour décrocher le prix !
Les voilà réunies à nouveau dans la maison aux têtes bien faites, en train de gratter, gratter sur leur mandoline la petite musique littéraire qui épatera peut-être la galerie des jalousies !
Les voilà qui cheminent par les routes de l’Imaginaire, entraînées par leur stylo-plume dans une folie passagère, dans la quête de l’arbre à promesses, dans le rêve d’un moment de gloire.
Lesquels, parmi ces soixante-douze titres de romans, vont leur inspirer des textes à crier dans les ruines, des contes de science-fiction, des poèmes du quotidien ou des bluettes sentimentales ? Chacune est la souveraine en son domaine et les membres du jury, comme l’année dernière, auront fort à faire pour trancher entre les copies rendues.
Dieu merci, nous ne sommes pas à l’élection de Miss Islande et nos écrivaines automnales n’auront pas à défiler en maillot de bain avec écharpe et diadème ! Les candidats de Mister Islande non plus n’auront pas à montrer leurs muscles bien huilés ! Mais quel plaisir ils et elles éprouveront si leur texte se trouve ne serait-ce que lu lors de la cérémonie de remise des prix ! Quelle joie si une musicienne habille de mélodie la chanson de Julien, si un comédien transporte de sa voix suave les petites nouvelles de Vanessa et Virginia !
C’est ce qui plaît le plus à L’Hermitage ce jour-là. On oublie les auteurs, la Grande librairie, le chapeau d’Amélie, la dégaine déglinguée de Michel ou les bégaiements de Patrick. Il n’y a plus que des titres, des titres de noblesse décernés au citoyen lambda, à la jeteuse d’encre anonyme, à celles et ceux qui font escale ici dans ce port si précieux de la médiathèque et viennent, au retour du printemps, ainsi que l’écureuil, retrouver leurs mots-trésors, voir si leurs couleurs automnales ont fait germer du plaisir dans les yeux et les oreilles du jury.
Vous vous demandez sans doute, alors que l’on arrive au bas de cette page, qui je suis et d’où je parle, pourquoi je sais toute cette cuisine d’herbes sauvages ? C’est bien simple : je suis l’organisatrice du concours, la maîtresse du lieu, la bibliothécaire. Quand la fête est finie, c’est moi qui éteins les lumières. Jusqu’à ce qu’elles se rallument, à l’automne suivant, dans les yeux de ces gens qui écrivent et qui rêvent à partir de nos livres.
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 3 décembre 2019 d'après la consigne 1920-11 ci-dessous, empruntée au concours Encres d'automne 13 de la Médiathèque de L'Ermitage
P.S. Les résultats sont tombés ce jour : mes copines et moi n'avons rien gagné, snif, sauf le plaisir d'avoir participé !
La consigne est la suivante : vous insérez dix à quinze titres des romans acquis récemment par la bibliothèque dans un texte qui, tapé en caractères times new roman 12, tiendra sur le recto d'une feuille 21 x 29,7 cm.
Voici la liste des titres proposés :
77 - A crier dons les ruines - Avant que j'oublie - Bienvenue à Korototoka - Boréal - Ces grands-mères qui savent tout - C'est la faute du vent - C'est moi qui éteins Ies lumières - Comme une gazelle apprivoisée - Coup de vent - De pierre et d'os - Extérieur monde - Farallon lslands - Jeanne des falaises - Journal d'un amour perdu - La calanque de l'aviateur - La chanson de Julien - La ferme des lilas - La ferme du bout du monde - La galerie des jalousies - La légende du Pilhaouer - La maison aux têtes - La maison du bout du village - La panthère des neiges - La part du fils - La souveraine en son domaine - La vie en chantier - L'apocalypse est notre chance - L'arbre à promesses - lci n'est plus ici - Le bal des folles - Le berceau - Le bonheur n'a pas de ride - Le ciel par-dessus Ie toit - Le corps d'après - Le destin de Cassandra - Le destin de Marie - Le gréement de Camaret - Le jardin - Le monde des hommes - Le prix - Le secret de la Belle-Epine - Les altruistes - Les Amazones - Les Amours d'AIfred - Les calendriers - Les chemins de promesse - Les disparus de Trégastel - Les frères Quinn - Les mille talents d'Euridice Gusmao - Les Rochefort - Les sept mariages d'Edgar et Ludmilla - Les soeurs Ferrandon - Les testaments - L'irrésistible histoire du café myrtille - L'ombre de la fauvette - Maintenant, comme avant - Miss lslande - Mur Méditerranée - Opus 77 - - Par les routes - - Paz - - Pour I'amour de Ia vigne - Seules les pierres Ie savaient - Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon - Tout ce que tu vas vivre - Trois étoiles et un meurtre - Un été d'herbes sèches - Une folie passagère - Une soupe aux herbes sauvages - Vanessa et Virginia - Vilaine blessure
Mais vous allez lui fiche la paix à mon oncle Walrus ? Comment ? C'est pas le même, celui-là a une cédille ? Marçel Prouṧṫ ? C'est qui ? C'est quoi ? Du syldave ?
Joe Krapov est poète, humoriste (?), musicien à ses heures et photographe à seize heures trente. On trouvera ici un choix de ses productions dans ces différents domaines.