DEUX PORTRAITS DE JOE KRAPOV, LE DEUXIÈME ÉTANT UN AUTOPORTRAIT
Flûte ! C'est encore cet idiot de Joe Krapov qui monte sur la scène ! Et moi qui ai été directeur pendant plus de vingt ans ici je suis condamné à l'anonymat et au silence de la salle plongée dans le noir.
Mais comment il fait, ce type ? Il n'a jamais joué le jeu des institutions. Il n'a pas passé les concours pour monter en grade. Il n'a postulé pour rien. Le non-ambitieux total. Le gars qui est là sans y être tout en y étant.
Bon, c'est vrai. Il bossait. Régulièrement, sérieusement, correctement, ponctuellement. Jamais malade, jamais d'incident, toujours disponible, toujours de bonne humeur avec ses collègues. Toujours énervant avec son côté décalé, ses chansons stupides envoyées avec succès à la fin du repas de fin d'année.
Flûte ! Aujourd'hui que nous sommes sortis de la machine productive, renvoyés à l'anonymat au sein d’une association de retraités d'une institution éducative, c'est à lui qu'on octroie quinze minutes de prestation scénique avec sa chorale d’évadés de Guantanamo - la couleur de leurs tee shirts ! Orange !
Amplifiés comme de vrais pros avec des retours sur la scène, trois micros pour les vingt choristes, un pour l'accordéon, un autre pour sa guitare. Mais où a-t-il trouvé le temps pour préparer ses diaporamas ? Maintenant le public peut lire les paroles, admirer les illustrations bien choisies, chanter avec le groupe et apparemment tout est en place, pas de fausses notes, pas de couacs, de mauvais démarrage !
Flûte ! Et à la fin on les applaudit et la présidente les félicite comme elle a souligné auparavant la régularité avec laquelle il anime les séances hebdomadaires de son club d'échecs. Mais franchement ce type, il m'énerve ! En plus il ne roule pas des mécaniques, il range son matériel, sort le dernier de la salle de spectacle. Il laisse les choristes aller recueillir les impressions et félicitations des spectateurs et lui se pose dans un coin avec une coupe de vin pétillant, tape dans 2 ou 3 gâteaux maison puis il se barre sans bruit parce qu’il a atelier d'écriture après ! Un bosseur ! Un chameau !
Flûte ! Ce n’est pas du pipeau mais finalement on devrait davantage s'en méfier des sous-fifres qui jouent de l’harmonica !
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Moi je n'ai rien demandé. Je n'ai jamais rien demandé. J'ai juste une bonne mémoire, de la curiosité pour ce qu'il y a dans les livres, les disques, les DVD et les musées et j'ai du goût pour les choses drôles.
Et je ne suis pas difficile. Même la méchanceté me fait rire. Quand Pif le chien ligote Hercule le chat à l'intérieur d'une fusée et allume la mèche du « Pifnik » pour le satelliser, ça relève du sadisme à l'état pur mais je sais que c'est de la fiction : il suffit de retourner le livre et ça n'existe plus ! C'est comme tous ces gens autour de moi qui ne font plus que parler maladie, accidents, vieillissement et disparition des uns et des autres ou comme l'Ankou qu’on se tatoue sur les épaules pour bien montrer qu'on est Breton. Il me suffit de déclarer « Je suis immortel !» et la mort n'existe plus.
Peut-être que c'est ça mon leitmotiv : « Je ne suis pas concerné ». Il faut choisir entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen même si ni l'une ni l'autre ne représentent pour moi un espoir de quoi que ce soit ? Ben la dernière fois j'ai voté pour autre chose que ces deux machines là ! Ça m'a valu une fâcherie et demi avec des amis qui ont trouvé ça scandaleux.
Mais moi je n'ai rien demandé et je ne demande rien. J'ai juste vieilli, j'ai juste travaillé pour gagner ma croûte, j'ai juste fait tout ce qui était possible pour que dans les endroits où des gens se réunissent ils puissent faire ce qu'ils ont envie de faire et que ça se passe bien, en bonne entente et, si possible, dans la bonne humeur.
C'est pour ça qu’à mon plus grand étonnement je me retrouve souvent désormais dans le rôle du chef ! Parce que je connais l'Oulipo, le Défi du samedi, Isaure Chassériau, le magazine La Croix et la bande dessinée franco-belge du XXe siècle on m'a bombardé animateur de l'Atelier d'écriture de Villejean. Parce que je sais classer des paroles de chansons dans l'ordre alphabétique des titres, jouer quelques accords ou arpèges sur ma guitare et faire des intros à l'harmonica pour donner la note de départ j'ai été balancé chef de choeurs de chorales qui chantent à l'unisson ! Et je donne même depuis quelques temps des cours de guitare. Parce que je regarde des vidéos de Marc Quénéhen, que j'achète la revue Europe-échec et que je fréquente l'intelligence artificielle échiquéenne depuis 1981 je suis le référent d'un club d'échecs dans lequel cinq vieux messieurs d’allure select viennent pousser du bois le jeudi après-midi dans l'inappréciable calme d'une cafétéria désertée par les étudiants !
J'ai même fait deux enfants sans trouver la virgule et je ne les embête pas plus que ça maintenant qu'ils sont grands. Peut-être qu'il me la reprocheront un jour, ma discrétion, peut-être pas. De toute façon j'ai le temps de voir venir : je suis immortel et ils sont occupés à d'autres choses que de lorgner sur ma collection de disques vinyles. Tu parles d’un héritage ! Pourquoi est-ce que je la garde, celle-là ? Il est évident que Neil Young et Yoko Ono n'intéressent plus personne de nos jours !
A vrai dire la seule chose que je pourrais demander ou me demander aujourd'hui c'est celle-ci : devant l'inanité d'une société dans laquelle on économise 17 milliards d'euros en forçant les gens à travailler deux ans de plus avant qu’ils n’accèdent à un univers de liberté nommé « retraite » et où, sur la lancée, on augmente le budget de la Défense à hauteur de 3 à 4 milliards par an, est-ce qu'il ne vaut pas mieux finalement être ce que je suis, à savoir un imbécile heureux ?
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 23 mai 2023
d'après la consigne AEV 2223-31 ci-dessous
Musiques du Nord (1) : 't Kliekske
Le musée des Beaux-Arts et d'archéologie de Châlons-en-Champagne abrite un tableau attribué à Joos De Momper, "Paysage d'hiver", daté de 1615, devant lequel je suis tombé en arrêt admiratif. Je n'avais jamais entendu parler de ce peintre auparavant et je ne me savais pas, enfin, si un peu, aussi sensible aux représentations de paysages sous la neige.
Une fois rentré à Rennes je suis allé surfer sur Internet et j'ai découvert que ce monsieur a été très productif dans le genre. J'ai donc enregistré cela et créé un répertoire d'images. Les voici assemblées en un diaporama que j'ai illustré avec un extrait de l'album "Schoon lief" du groupe de folk flamand 't Kliekske. C'est un assemblage d'une chanson et d'un morceau instrumental : "Schoon lief hoe ligt hier en slaapt / Meiboomdans".
Je crois que j'avais acheté ce CD par hasard, "pour voir", chez le soldeur de la rue du Maréchal Joffre à Rennes. Le boîtier de ce disque a la particularité de contenir un petit dé à jouer.
Musiques du Nord (2) : De Zee / Pekel
Lors de notre dernier séjour à Lannion, nous sommes entré·e·s comme chaque fois dans la librairie Gwalarn dont la vitrine donnait ce jour-là dans le jaune pétant.
Très exceptionnellement, Marina Bourgeoizovna est ressortie les mains vides et c'est moi qui ai "craqué" pour le CD des 30 ans du Festival de Chant de marin de Paimpol. C'est une édition à laquelle nous avons assisté en 2019 mais le CD ne reprend pas nos applaudissements ni les morceaux des têtes d'affiches. Il ne contient pas, de fait, d'enregistrements réalisés sur place. C'est plutôt une anthologie des meilleurs morceaux de dix-neuf des groupes qui se sont produits sur scène lors de l'événement. C'est un petit bijou de musiques internationales et cela tourne en boucle sur la mini-chaîne au-dessus de mon ordinateur ou dans le séjour au moment ou je m'occupe de la cambuse... euh, de la cuisine.
Il y a là-dedans une chanson que j'adore et j'en profite pour lancer un appel à l'aide à Dame Adrienne ou à toute personne qui surferait mieux que moi sur Internet : je n'ai pas trouvé les paroles de "De Zee" du groupe hollandais Pekel. J'ai juste vu qu'il existe une traduction en français réalisée par un duo (Bâbord-Tribord) mais l'accordéon y couvre un peu trop la voix.
Mille mercis par avance de ce dépannage mélomaniaque et bonne écoute à vous !
PREMIÈRES DÉFINITIONS D'UN DICTIONNAIRE ÉMINEMMENT PURITAIN
Afrodisiaque : médicament sédatif évitant aux hommes politiques de passage à New-York d’éprouver de la concupiscence pour les femmes de chambre noires.
Abstinence : doctrine philosophique prônant la bonne tenue et la bonne contenance plutôt que l’incontinence verbale et la ponte de saillies et chansons de salle de garde à jet continu.
Préserv’hâtif : agenda dont toutes les pages ont été dédoublées afin de pouvoir revenir sur des décisions de rendez-vous prises trop rapidement.
Capote : au jeu de belote, fait, pour une équipe féminine, de ne pas ramasser de cartes lors d’un tour de jeu.
« - Les filles, je crois qu’on est capotes !
- Ça ne fait pas un pli ! »
Marcelle Pagnole – La Partie de cartes
Chou : lieu de naissance des enfants de **** masculin
Rose : lieu de naissance des enfants de **** féminin
Cigogne : système alternatif de livraison de progéniture reposant sur l’utilisation d’un oiseau alsacien à longues pattes et long bec et d’une nappe à carreaux brodée du sigle « Amazone »
« Quand passent les cigognes et que l’enfant paraît
Le cercle de famille reprend de la choucroute. »
Victor Hugotte – La Légende des ****
Perturbation : nom donné à tout manquement à l’abstinence (voir ce mot)
« Beethoven a longtemps cru que la perturbation rendait sourd alors que c’est son usage immodéré du pinceau et de la toile qui fut la cause de sa surdité. »
Michel Wellberck – La Perturbation intellectuelle à travers les âges
Cuniculinimbus : nuage dont la forme générale fait penser à un lapin blanc.
Stuprdéfiant : écrivaillon de **** masculin ayant une propension certaine à instiller de la pornographie partout où il passe.
« La Fondation M**l*ns*rt a déposé plainte une fois de plus : certains stuprdéfiants du samedi ont osé se moquer de Bronca Castrafiore dans leur journal de littérature hebdomadaire. »
Rémi Sanzot – La Belle gigue m’en a toujours boucher un coin
Paradisiaque : de la même manière qu’il n’existe pas de treizième étage à new-York, il n’y a pas de septième ciel au paradis puritain. On passe directement du sixième au huitième.
Antidorine : mouchoir de fine batiste que l’on dispose au bout de ses deux bras tendus devant un objet de scandale. L’antidorine est bien souvent orné d’une feuille de vigne brodée.
"Couvrez ce **** que je ne saurais voir !"
Molière – Tartuffe ou l’Imposteur
Bistre : objet métallique servant à amarrer les navires dans les ports.
« La psychologue scolaire – Monsieur et Madame Bienloti, nous vous avons convoqués parce que votre fils Pierre n’arrête pas de dessiner des bistres dans les marges de ses cahiers.
Madame Bienloti – En même temps, nous habitons rue du Quai et Pierre va souvent jouer dehors sur le port.
Monsieur Bienloti – Du coup je ne vois pas où est le problème ! »
Dr Zigmund – Le Rhinocéros regarde la lune
Gif-sur-Yvette ; Jouy-en-Josas ; Bourg-la-Reine ; Montcuq ; Corps-Nuds ; Nouvoitou etc. : villes françaises dont il conviendrait de changer le nom au plus vite. En effet le gif est trop animé, le jouy sature la toile et le calembour est est la fiente de l’esprit qui vole d’après Victor Hugotte.
2069 : année comme les autres. En effet nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour qu’elle ne soit pas une année érotique.
Levrette : cuniculinimbus ayant évolué pour prendre la forme d’un chien de luxure (qui est une chienne).
Luxure : douleur localisée à l’épaule due à un recours trop fréquent à la perturbation.
Luxation : province encore mal explorée du Nirvana occidental
« Ici tout n’est qu’ordre et beauté
Luxation, calme et volupté »
Charles Baudelaire – Invitation au voyeurisme in « Les Ecornifleurs du mâle ».
Alibido : long écrit de Madame Pauline Réage certifiant que la marquise est bien sortie à cinq heures et qu’il n’y a pas à en faire toute une histoire.
Exhibi-sionisme : système de roulement habile permettant de savoir, chez les couples gays, qui sera elle.
Morpion : enfant né dans un chou ou dans une rose et/ou livré par une cigogne aux couples qui pratiquent l’abstinence.
« Madame la marquise m’a filé des morpions. »
Georges Brassens – Les Trompettes de la renommée
Roméo et Juliette : pièce de William Shakespeare traitant de la rivalité entre les Mantaigu et les Copulet.
Nikè : déesse de la victoire et du triomphe dans la mythologie grecque. Son nom, mal prononcé, est devenu le label d’un fabriquant de chaussures de sport :
« Elle t’a acheté des belles Nike, ta mère. »
Mohamed Tondoihouj-Aimondoi – Ne change pas demain !
Rhinoc’Éros : animal africain recherché pour sa corne qui est Aphroditesiaque
Tombe, raideur ! : jeu vidéo puritain dans lequel l’héroïne s’arrange pour provoquer la débandade générale. Quelques répliques entendues dans le jeu :
« - Sache-le, Super Mario : avec le temps les raideurs se déplacent !
- Range ta péninsule, Cyrano ! Ou sinon je te l’amputasse !
- Après l’émoi le déluge !
- C’est bon, c’est dans la boîte ! Coupez ! »
Ecrit pour le Défi du samedi n° 770 à partir de cette consigne : aphrodisiaque
Les Statues du Petit jard à Châlons-en-Champagne (Marne) le 21 avril 2023 (1)
Aphrodisiaque. On nous demandait cette semaine de plancher sur ce mot pour le Défi du samedi. J'ai rendu ma copie et mes oreilles vont chauffer !
J'aurais pu également faire un billet plus sobre en mentionnant simplement ce moment de fièvre photographique éprouvé lors de notre "Voyage à Reims et à Châlons". "Ces quatre statues qui représentant les quatre saisons et qui ornent le Petit Jard ont été réalisées par le sculpteur chalonnais Juan Carlos Carillo, de renommée internationale. Elles sont venues remplacer les anciennes statues mythologiques qui avaient été en partie détruites lors de la tempête de 1999."
J'ai rarement rencontré, dans un jardin public, des oeuvres d'art aussi érotiques !
Le concert "pochette-surprise" !
Cette année, pour le traditionnel repas des M'A2R1 d'O douce à Saint-Malo, du côté de la pointe de la Varde, j'ai "inventé" le concept de "Concert pochette-surprise" !
Soit un guitariste-accompagnateur et une quinzaine de choristes. Chaque choriste envoie au guitariste et à lui seul le titre d'une chanson, non encore inscrite au répertoire de la chorale, qu'il souhaiterait chanter devant les autres le jour de la réunion amicale.
L'assemblée va donc entendre des chansons choisies par les un·e·s et les autres et le guitariste préparer l'accompagnement musical de la prestation. Il est le seul à connaître "le contenu de la pochette". ;-)
J'en reviens tout juste. Ça s'est très bien passé ! En l'occurrence ça m'a permis de découvrir trois chansons nouvelles dont une - le hasard fait drôlement bien les choses - que j'avais entendue chez les Acolitres anonymes et mise dans ma guitare juste une semaine avant. Le mélange des trois est assez détonant !
1) Les Gitans / Dalida ; Les Compagnons de la chanson ; paroles de Pierre Cour ; musique de Hubert Giraud - 1958
2) Elles sont libres les pensées = Die Gedanken sind frei / I Muvrini ; auteurs anonymes - 1790 !
3) Chacun son truc - Maurice Chevalier - 1926
adaptation par Paul Briquet de "Yes, sir, thats's my baby" ; paroles de Gus Kahn ; musique de Walter Donaldson - 1925