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Mots et images de Joe Krapov
texte d'atelier d'ecriture
13 décembre 2023

IL FAUT S'EN REMETTRE AU HASARD

Elliott Erwitt - California kiss 1956

Il faut s’en remettre au hasard. J’aurais pu ce soir proposer à l’atelier d’écriture dont je suis l’animateur des poèmes publiés dans le magazine La Croix-L’hebdo ou des images de sa rubrique « L’Art et la manière » dans laquelle un journaliste analyse une œuvre d’art.

Or il se trouvait parmi celles-ci, la photographie prise par Elliott Erwitt du fameux « Baiser californien ». Alors j’ai fait le lien avec l’information nécrologique entendue il y a peu sur France-Culture le 29 novembre, date de son décès.

En conséquence – ou du coup, si on préfère – je suis allé voir ses autres photos sur Internet et je n’ai pas été déçu de mon voyage internautique.

Il faut s’en remettre au hasard. Mais en est-ce un vraiment ? En ce moment mon passionnant livre de chevet s’appelle « Un Livre à soi ». C’est un recueil de textes divers de Francis Scott Fitzgerald. De ce fait j’ai regardé récemment un documentaire sur les rapports entre Hemingway et Fitzgerald. Et du coup je lis aussi « Paris est une fête » du gars Ernest. Définitivement, je préfère Francis ! Et me voilà donc avec un troisième voyageur américain, plus tardif, qui s’en vient jeter un œil digne du Droopy de Tex Avery sur le beau pays de France où du reste il est né en 1928 et qu’il a quitté à l’âge de huit ans.

Il faut s’en remettre au hasard. Parmi les quinze photos proposées j’ai choisi, le premier, celle-ci, prise au château de Versailles.

Elliott Erwitt - Versailles 1975Elle ressemble terriblement à un dessin de Jean-Jacques Sempé. Sous le regard étonné d’un Louis XIII jeune ou d’un quelconque courtisan ou ministre de Louis XIV à qui on vient d’interdire l’usage du 49.3 trois visiteurs du château sont en arrêt devant un tableau noir au centre duquel ne figure qu’une étiquette blanche. Non, ce n’’est pas un tableau de Soulages revu et corrigé par Malevitch !

Je subodore qu’il est inutile d’interroger le gardien qu’on voit de dos en train de se dégourdir les jambes. Nous ne sommes pas dans la photo mais devant et si on peut toucher son épaule du bout de l’index, ça ne lui fera rien, il ne sentira rien. Et donc pour savoir ce qui est écrit sur le papier au milieu du tableau il faut peut-être agrandir l’image.

Moi je préfère m’en remettre au hasard et encore plus à mon imagination folâtre. Je décrète qu’il est annoncé : « Isaure Chassériau a quitté son tableau le 1er avril 1999. Nous sommes sans nouvelles d’elle depuis ce jour. ».

 

Isaure 1024

Sans doute est-ce la position des bras de la petite fille, presque identique à celle de la dame en rose du Musée des Beaux-Arts de Rennes qui m’a rappelé cette histoire sortie de mon cerveau d’hurluberlu notoire.

***

One silver dollar… S’il y a bien quelque chose de commun à ces trois voyageurs américains, Fitzgerald, Hemingway, Erwitt, c’est bien leur absence de réticence à parler d’argent.

Le texte le plus drôle de « Un livre à soi » est ce long chapitre ou Scott et Zelda, riches de leurs 36000 dollars gagnés l’année précédente viennent s’installer, en 1924, sur une Côte d’Azur encore déserte. Ils alignent séjours à l’hôtel, locations de villas luxueuses avec nurse, domestiques, jardinier, achat de voiture, restaurants et fêtes bien alcoolisées. Ils auront vite fait de tout dépenser sans s’en rendre compte.

Hemingway, encore inconnu, vit pendant ce temps-là avec femme et enfant dans un quartier populeux de Paris avec un maigre salaire de journaliste, correspondant en France d’un journal de Toronto. Pour arrondir ses fins de mois il va jouer aux courses, gagne parfois mais juge plus prudent de s’arrêter. Paris est une fête dans laquelle il tient le rôle du pauvre et les portraits qu’il dresse des autres exilés américains ne sont pas très flatteurs.

Elliott Erwitt - Lucienne Van Kan 1954Pour Erwitt, on ne sait pas, mais ce cliché, par exemple, là où je l’ai récupéré sur Internet, sur un site de vente d’oeuvres d’art, est vendu 7000 $. On est d’accord : c’est l’oeuvre d’un photographe prestigieux, reconnu, publié, exposé.

Mais cette photo, prise en 1954, qu’a-t-elle d’exceptionnel ? Qui est cette dame? Consulte-t-elle son livre de comptes ou procède-t-elle à la lecture de « L’Adieu aux armes » sur la table de sa cuisine ?

J’ai déjà oublié son nom de baptême. De la bouteille dans le coin en bas à droite de la photo carrée, si je m’en remets au hasard et à ma mémoire, je peux juste dire qu’elle me fait penser au mot « grappa ». A tort, du reste. C’est plutôt là le conditionnement des bouteilles de chianti qu’on voit là. Quelquefois le hasard se trompe !

7000 $ ! Il doit certainement me manquer un neurone mais pour ma part, je ne me pose jamais la question de la valeur financière de ce que j’ai acquis ou fabriqué moi-même. Peut-être que la photo de mes grands-parents avec leurs enfants à Karpacz en Pologne en 1950 vaut plusieurs milliers d’euros ? De toute façon je ne la vends pas, ni aucune de celles, nombreuses que j’ai prises moi-même. Elles n’ont pas de prix.

***

Il faut s’en remettre au hasard : il est parfois très drôle. Ce matin j’ai failli photographier, depuis le bus qui m’emmenait à Beaulieu, alors qu’il était arrêté au feu rouge de l’avenue Janvier, une classe de moutards de maternelle qui attendait l’ouverture des portes du Musée des Beaux-arts pour aller faire la connaissance d’Isaure Chassériau. Ils avaient tous des gilets fluo oranges, roses ou jaunes. D’autres individus plus virulents auraient tiré au LBD dans ce tas d’indisciplinés mais j’ai respecté leur droit à l’image et j’ai surtout eu la trouille d’être dénoncé après publication comme photographe pédophile.

Oui, le hasard est drôle. La troisième image qui me revient lors de ce jeu de logorallye tournant – l’animateur d’atelier a retrouvé pleinement son rôle de parfait sadique ! - est celle-ci :

Elliott Erwitt - Prado madrir 1995

Elle me rappelle la première émission de radio entendue ce matin : une longue enquête sur les pratiques machistes de Gérard Depardieu et les excès de ces messieurs du cinéma. Cela réveille une autre trouille, celle de vivre dans un monde où toute partition masculine est examinée à l’aune de #metoo et des nombreux bémols qu’on peut souligner chez tous ces mâles très mal élevés.

Heureusement il nous reste le rire. Et là, en terminant, je dis « Merci Elliott ! ». Cette photo là ne vaut pas 7000 $, elle vaut 10 ! 10/10 ! Elle n’a pas de prix !

Les sept samouraïs figés devant la femme nue et la dame seule devant le tableau voisin où le même modèle pose habillé, c’est du hasard ou bien de la nature humaine ? A qui s’en remettre pour savoir ? Celle-là, comme on dit chez moi, tu me la copieras !


Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 12 décembre 2023

à partir de la consigne AEV 2324-12 ci-dessous

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9 décembre 2023

CONS-TINES ?

Ainsi fond fond fond
La banquise, étrange course
Ainsi fond fond fond
La banquise sous la Grande ourse

DDS 797 banquise

***

Ainsi Fonds Fonds Fonds
Plonk et Replonk à La-Chaux-de
Ainsi Fonds Fonds Fonds
Trois p'tits Suisses à La-Chaux-d’Fonds

DDS 797 plonkreplonk

***

Un siphon phon phon
Et les vases communiquent
Un siphon phon phon
Les défiant·e·s sont sous pression

DDS 797 siphon

***

Ainsi font font font
Les fouilles spéléologiques
Ainsi font font font
Trois p’tits tours et puits sans fond

DDS 797 spéléo

***

Ainsi font font font
Smetana, Beethoven et Tryphon
Ainsi font font font
Trois p’tits sourds chez Amplifon !

DDS 797 tournesol

***

Ainsi fond fond fond
La petite savonnette
Ainsi fond fond fond
Trois p’tits tours et glisse dans l’fond

DDS 797 savonnette

***

Ah sifflons sifflons
Les petites chansonnettes
Ah sifflons sifflons
L’air des Trois petits cochons

DDS 797 ronchonchon 2

***

Ah sniffons, sniffons
Les petits parfums honnêtes !
Ah sniffons, sniffons
L’odeur des roses en boutons !

DDS 797 2023-05-26 Nikon 41

***

1, 2, 3 Salle des coffres, en bas,
4, 5, 6 Chalumeau et tournevis
7, 8, 9 C’est ouvert ! Quel effet bœuf !
10, 11, 12 Siphonné le flouze !
13, 14, 15, 16 Empochée, la braise !
17, 18, 19, 20 A nous des jours très divins !

DDS 797 coffre-fort

 

Écrit pour le Défi du samedi n° 797 d'après cette consigne : siphon

7 décembre 2023

INCOGNITO-INCOGNITA

AEV 2324-11 JK - Very bad tripPaolo a raconté l'histoire de la lettre retrouvée à son épouse, Dame Sophia. Elle a bien ri, elle aussi.

Parce que Paolo est du genre hypermnésique, à se souvenir des noms des rues de Rome, des numéros des chambres d'hôtels où ils ont séjourné, des noms des personnages de romans, toutes ces données bien inutiles dont elle-même ne s'embarrasse absolument pas.

Or voilà que pour une fois Paolo est pris en flagrant délit d'oubli total ! Elle espère juste que ça ne va pas tourner au « Very bad trip 1, 2, 3 ou 4 » parce que tous les gens auxquels il raconte cette histoire se font un malin plaisir de l'accuser de tous les maux ou, tout simplement, de lui poser des questions qui l’enfoncent dans sa culpabilité.

- Est-ce qu'il y avait une enveloppe ? Peut-être y a-t-elle inscrit au dos son nom et son adresse ? a demandé Anna-Francesca.

- Et alors, si c'était le cas, je lui renvoie la lettre quarante-trois ans après, à la fille, en lui demandant de m'excuser parce que je ne l'ai pas transmise ? Et aussi une copie à Giambattista avec l'expression de ma penauditude - ça existe ? - devant ce forfait incompréhensible et pourtant peut-être décisif ?

***

AEV 2324-11 JK - Passe ton bacMais d'abord résumons les faits : Coralie, 19 ans, va passer son bac. Si elle le réussit elle aura le champ libre pendant les vacances et ira rejoindre Giambattista, « homme marié mais très, très libre » qu'elle a envie d'embrasser. Sauf qu'il y a 222 kms qui les séparent et « des impondérables ». Le plus embêtant des impondérables est ce Paolo qu’elle a chargé de faire passer sa lettre à Giambattista.

Quarante trois ans après Paolo retrouve la lettre au fond d'une valise et découvre qu'il n'a plus aucun souvenir de cette Coralie !

***

De la même manière que Marcel Proust est devenu le « maître-étalon » de la littérature bourgeoise contemporaine - mais de nos jours toute littérature est bourgeoise, l’autre terme de l’alternative étant le rap ou la chanson française écrite en anglais - le mètre étalon de la sagesse, pour Paolo, c'est Sophia.

Ce qui l'a rassuré c'est qu'elle a décrété, à l'emporte-pièce comme bien souvent, « Le passé, c'est le passé ! On ne revient plus dessus ! »

C'est vrai que Sophia n'a pas entreposé de valise de vieux papiers dans le grenier commun. A part des cours de psychologie et des bouquins du même domaine il n'y a rien de son passé à elle là-haut hormis trois disques de Joan Baez.

Quelquefois quand elle va chez son père, elle trouve des vieilles photos d'elle et ça ne lui fait rien, si elles ne lui plaisent pas, de les déchirer.

Mais Paolo n'est pas ici pour raconter sa vie ni celle de son épouse. A part cette histoire de lettre retrouvée et cette lubie de conserver des tas de photos, d'enregistrements sonores et cette valise d'avant le déluge, son existence à lui est trop simple, trop linéaire pour qu’on en tire de la littérature.

AEV 2324-11 JK - Gloria Lasso- Giambattista, a demandé madame Éliane, combien de divorces ?

- Moins que Gloria Lasso !

Madame Maryvonne, elle aussi, a gardé des lettres et quelquefois elle renvoie le paquet entier à son expéditeur ou expéditrice. Elle aussi farfouille dans son grenier et a retrouvé récemment un discours de départ en retraite qu'elle a écrit mais n'a pas prononcé. Alors, quinze ans après, elle l’a envoyé au récipiendaire qui lui a répondu dans le même style sincère mais amusant. Tous ces profs ont des lettres et sont très sympathiques !

Paolo est tellement noyé dans son mystère qu'il devrait envoyer cette lettre non au récipiendaire mais au récipient de flotte en lui disant qu'il ne comprend goutte ! Mais finalement il a écouté Sofia. Il s'est allongé sur le divan des filles à l'atelier psy. Il a raconté l'histoire, elles se sont bien moquées de lui et la semaine prochaine on parlera d'autre chose.

De toute façon avec la cassette numéro 4 de son frère il a trouvé encore mieux comme mystère. Mais c'est quoi cette musique de clavier funèbre ? Ça ressemble furieusement, si on peut dire, à un concert de musique planante comme « Cyborg » de Klaus Schulze et ça semble jouer du violoncelle ! C'est le magnéto qui déconne ou quoi ? La bande qui tourne à l'envers ? Même en accélérant grâce à Audacity la vitesse de l’enregistrement numérisé, ça ne ressemble en rien à ce qu'ils jouaient ensemble autrefois.

L’idéal - et c'est ce dont rêve Sophia - ce serait de le vider sans regarder ce qu’il contient, ce grenier. Parce que c'est terriblement mort ou mortifère, tout ça. Même sur les photos de classe, même dans la liste des gens avec qui on a fait de la musique, si on va interroger Internet avec leur nom, on s'aperçoit que certains d'entre eux sont déjà passés de vie à trépas, dont un à l'âge de 55 ans. Ça a un petit côté vraiment attristant, tout ça.

C'est pour cela que lors d'un prochain voyage de Sophia Paolo ira remettre la lettre de Coralie dans la valise. Par vice, il cherchera son enveloppe éventuelle et il priera. Il priera pour que la jeune fille ait eu son bac, qu’elle ait est rencontré un autre homme, marié ou pas, qui l'aura rendu heureuse et pour qu'elle soit maintenant une sexygénaire épanouie. Il priera pour qu’elle ait oublié ces deux jeunes crétins de Giambattista et Paolo. Ça devrait être d'autant plus facile à faire qu’elle n’a plus de lettres ni de l’un ni de l'autre dans son propre grenier !

AEV 2324-11 JK Eglise-San-Giovanni-e-Paolo-et-la-place (1)
 L'église San Giovanni e Paolo à Venise

Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 5 décembre 2023

d'après la consigne AEV 2324-11 ci-dessous

2 décembre 2023

DE L'UTILITÉ DES PSEUDO-POÈTES ET DES FAUX MAÎTRES-CHANTEURS

DDS 796 tournesol 2

C’est bien entendu, monsieur Musset, il faut qu’elle soit ouverte ou fermée mais un sourcier doit veiller à ne pas égarer sa baguette plutôt que de se soucier de sa braguette.

On ne va pas en faire un pendule, monsieur Queneau, mais quand vous nous pondez « Eh bien voilà, lui dit-il, j’ai avalé ma pendule ! » votre histoire est-elle bien crédible ? Ne s’agit-il pas plutôt d’un pendule ?

Et moi qui suis à la recherche de mon utilité sur cette terre pourquoi voudriez vous que je fasse appel à un coudrier plutôt qu’au coup de l’étrier ? Si la radiesthésie est une pseudo-science, ne puis-je pas me déclarer pseudo-scientifique et décréter que je suis moi-même radiesthésiste, capable de retrouver dans tout mon fatras d’enregistrements, de manuscrits et d’écrits imprimés des paroles de chansons qui feront sourire certains et certaines et que d’autres découvriront ?

DDS 796 Chick Bill 2

Il en fut ainsi samedi dernier où j’interprétai en public, à la façon « chanson contée », le fameux – du moins le croyais-je – « Arthur, où t’as mis le corps ? » de Boris Vian.

On ne fait pas appel, dans ce récit de cadavres qui disparaissent, à la cellule « cold cases » comme on dit en bon français en lieu et place d’« affaires non résolues » mais à un médium spécialiste du spiritisme ancien. Encore une pseudo-science, sans doute ?

Ça me va, finalement, ce rôle de réveilleur de morts, ce statut d’interprète de vieilleries dans un monde où tout le monde fait appel à l’intelligence artificielle pour ne pas regarder en face le problème réel, celui de la connerie authentique !

N’ai-je pas trouvé, ma foi, ma réponse, ma voix et ma voie ? « Toi, Joe Krapov, ne te mêle pas de philosophie ou de politique ! Fais nous rire avec des mots, des chansons et avec tes interrogations stupides du genre : « Pourquoi horloge et pendule sont-iels à la fois féminin et masculin ? Pourquoi la même chose pour œuvre et mémoire ? Pareil pour amour, délice et orgue mais au pluriel seulement ? Est-ce que c’est lié au réchauffement climatrique le fait qu’un tryphon a détruit le champ de trournesols de l’agricultreur Van Gogh ? Doit-on dire un ou une hermaphrodite ?  Y’a t’il des camelots qui aiment la matelote ? Y’a-t-il des matelots qui aiment la camelote ? Ai-je besoin du plastique pour améliorer ma plastique ? Peut-on appeler barde de lard un barde à tête de cochon ? Le faune fait-il partie de la faune mythologique même s’il est aphone et que sa flûte fait « pan » comme une cartouche (c’est ce que dit le cartouche en dessous du tableau) ? Pourquoi a-t-on représenté un enseigne de vaisseau sur l’enseigne du magasin où l’on vend des slips Petit-bateau ? Parce que le petit mousse reprendra bien une mousse ? Il préfère le rade à la rade ? Pourquoi la foudre ne tombe-t-elle pas sur ces foudres de guerre qui nous pourrissent la vie ? A-t-on besoin d’un livre qui pèse une livre, d’un mode d’emploi à la mode pour nous dire qu’il ne faut pas s’y prendre comme un manche pour coudre une manche ou mettre la poêle sur le poêle ? Après cette nouvelle somme, ai-je le droit d’aller piquer un somme ? Cependant que les bourres, pour une fois pas à la bourre, interrogent : « Arthur, où t’as mis le corps ? ». 


Écrit pour le Défi du samedi n° 796 d'après cette consigne : Radiesthésie

30 novembre 2023

CAROLINE ?

- Moi je lis plutôt « Caroline » m'a dit mon épouse à qui j'ai montré la lettre de ouvrez les guillemets Coralie point d'interrogation fermez les guillemets et à qui j'ai raconté l'histoire de la lettre non transmise. (cf ce texte-ci)

Si on met à part le fait que Jean-Baptiste était bien encore en 1980 un de mes meilleurs amis toute cette histoire pourrait très bien sortir d'un roman de Patriiiiick Modiano.

AEV 2324 10 JK Hopper_NighthawksDans une ville dont on ne mentionne pas le nom existerait un café associatif appelé L’Orang-outan. Pas un de ces palaces à grandes baies vitrées comme on en voit dans les tableaux d'Edward Hopper, non mais un troquet à l'ancienne comme celui que tenaient la mère et la grand-mère de Daniel Bird à Wazemmes, quartier très populaire de Lille.

Ce café de l'Orang-outan se trouverait dans le bloc B4, dans la rue de Steenwijk. C'est là que tous les soirs Olga Tchigorine et Caroline Cann se donnent rendez-vous. Ce sont des étudiantes. La première, Olga, sirote une grenadine avec un glaçon alors que Caroline turbine au Perrier tranche.

Elles ont entrepris d'écrire un roman à quatre mains. Cela s'appelle « Sabine Maroczy ».

Pour Olga qui a imposé le patronyme du personnage il était impératif que ce nom se termine par un Y à cause de « Madame Bovary ».

- Si tu veux, a concédé Caro Cann, mais je refuse qu'elle se suicide à la fin du livre. D’ailleurs personne ne doit mourir dans mon roman, enfin dans notre roman. 

AEV 2324-10 JK Collage Cavalier pieuvre

- Même pas le cavalier Pieuvre ?

- A la limite celui-là peut perdre un bras sur le champ de bataille mais sinon pas de passage de vie à trépas !

- Ni non plus Marc Taïmanov, le pion empoisonnant du collège Philidor, avenue de la Volga ?

- Un pion c'est temporaire, juste le temps du collège ou du lycée. Ça s'oublie. Sa promotion en prof est assurée pourvu qu'il bosse et qu'il décroche le CAPES. Il peut même rêver d'agrégation si tout tourne bien.

Chaque soir Olga et Caro se lisent l'une à l'autre le chapitre qu’elles ont pondu chacune de leur côté. S'il y a des incohérences elles corrigent puis elles discutent des évolutions possibles et se répartissent les deux chapitres suivants dont elles ont énoncé la trame.

Certains soirs Miguel Najdorf, leur condisciple qui donne des cours de piano à la M.J.C. Diagonales pour payer ses études vient les saluer et tente de savoir ce qu'elles écrivent. Mais devant ses questions les deux jeunes femmes se ferment comme des huîtres.

- Ça ne te regarde pas, Miguel !

- Je suis sûr que c'est de la poésie !

- Pas du tout ! Tu n'y es pas du tout !

- Ou alors c'est une méthode pour gagner à la bataille navale !

- Écarte-toi au lieu de dire des idioties ! Tu nous enlèves toute la lumière !

***

La patronne de l'Orang-outan s'appelle Greta Staunton. C'est là le nom de son mari car elle est hollandaise d'origine. Après la fermeture elle traverse à pied la ville dans la nuit pour rejoindre le bloc F5, l'immeuble Gambit-Roi à l'angle du boulevard Traxler et de la rue du Foie frit.

Son mari Edward est cuisinier à la Casa Rossolimo, une pizzeria installée au bas du bloc B5 qui est donc voisin du B4 où se trouve le café associatif.

Lui ne la rejoint que plus tard à la maison car le restaurant accueille encore plus longtemps les fêtards qui vont au spectacle et dînent ensuite. Souvent sur l'oreiller ils se racontent leur journée, les aventures de leurs clients, les esclandres des habitués, les fricotages des uns et des autres.

- C’est vrai qu'il n'y a pas mieux qu'un restaurant pour fricoter ! admet Greta mais ce soir j'ai mieux que toi comme ragot. Ton patron, monsieur Benoni, est venu à l’Orang-outan jouer à l'avantageux devant les étudiantes qui écrivent un roman !

- Elles ne risquent rien les minettes, avec cet homme-là !

- Quand même, elles sont majeures, bien jolies et bien attirantes !

- Si elles écrivent des romans c’est qu’elles n'ont pas la tête à s'en bâtir un de ce genre-là. Il y a assez d'étudiants de leur âge en ville ! Elles ne vont pas s'intéresser à un commerçant marié qui commence du reste à bedonner un chouïa !

- Sait-on jamais ?

*** 

2023-04-18 - Nikon 371

C'est une semaine après ce dialogue-là qu'on a découvert dans le square Tartakover le cadavre d'un militaire du 41e régiment de cavalerie. Il avait été découpé proprement et savamment en morceaux et du coup on a suspecté le boucher Tarrasch dont la boutique, place de Budapest, donne sur le square. Le plus étrange de l'affaire est bien que dans les sacs plastiques se trouvaient également six autres bras humains.

- Ça fait penser au cavalier Pieuvre ! a confié Olga Tchigorine à Caro Kann !

Le boucher avait un alibi en béton. Alors une espèce de psychose s'est emparée de la ville. Des gens se sont confinés chez eux, les boutiques ont baissé les volets plus tôt, plus personne ne traînait la nuit dans les rues.

Puis l'affaire s'est tassée, tout est redevenu normal dans la vie d’Edward et Greta et des habitants de la ville aux soixante-quatre blocs. Sauf qu'un matin où il ne s'y attendait pas Edward a trouvé la pizzeria définitivement fermée et a perdu son emploi.

- Monsieur Benoni a disparu ! Envolé ! Il va falloir que j'aille pointer au chômage et que je trouve un nouveau job !

- Ils sont partis en emportant la caisse ?

- Non pas « ils ». Lui tout seul. Elle, la pauvre madame Benoni, est effondrée. Elle ne comprend pas. J’espère que ça n'a rien à voir avec l'affaire du square Tartakover !

C'est à peu près à ce moment-là que Caro-Kann disparaît elle aussi de la ville et de la vie d’Olga.

Celle-ci est allé au commissariat de police demander une recherche dans l’intérêt des familles, de la littérature juvénile et du comité Nobel.

- Avant de disparaître elle m'avait donné une lettre à remettre à Monsieur Benoni.

- Vous l'avez cette lettre ?

- Ben non, je l'ai remise !

- Vous l'avez lue ?

- Ben non c'était mon amie, c'étaient ses affaires. Je ne lis pas le courrier des autres, c’est indiscret.

***

Le roman « Sabine Maroczy » n'a jamais paru en librairie. Il est resté à l'état de brouillon inachevé dans une valise marron conservée dans le grenier d’Olga Tchigorine.

C'est tout juste, le jour où elle l'ouvrira, si elle se souviendra de cette Caroline Cann ! Mais se prénommait-elle réellement Caroline ? Elle n'en n'est plus très sûre à présent, quarante ans après ! 

AEV 2324-11 Coralie ou Caroline - signature

 

Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 28 novembre 2023

d'après la consigne 2324-10 ci-dessous

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25 novembre 2023

TOUTE UNE PHILOSOPHIE

Il vaut mieux rester sur son quant-à-soi que d’empiéter ne serait-ce qu’un peu sur le Nietzsche des autres. C’est là un impératif catégorique enseigné dans l’Emmanuel de philosophie.

Car un plat tonique n’est pas forcément toujours aphrodisiaque. Les scène de ménage d’Hegel et de Spinoza, il ne faut pas s’en mêler : on ne sait pas qui a raison dans l’histoire ni qui nettoiera le vomi.

J’ai longtemps fait partie de l’école péripatéticienne. C’est incroyable, en faisant marcher ses jambes, comme on suppute.

Au poker, par exemple, toute possibilité de gain dépends des cartes qu’on donne à René, à Blaise et à Pascal. C’est d’ailleurs à un palefrenier qu’on doit la formule « je panse donc j’essuie ».

Il ferait beau voir, comme disait Sartre à Simone, qu’en restant dans son huis clos on attrape les mains sales si on pense à toujours garder son quant-à-soi et sa tapette à mouches.

Et pourtant, dès que l’homme a commencé à se vêtir de peaux de bêtes il a bien fallu les chasser, les mites, de la caverne.

Plus tard, bien Plutarque, naît l’architecture. Madame à sa tour monte et Monsieur de Montaigne aussi. Qu’est-ce qu’Onfray sans les Michel ?

Michel Delpech, Michel Legrand, Michel Polnareff, Michel Berger, Mick Jagger et à l’inverse Mick Micheyl, sans oublier Michel Drücker qui a toujours fait bonne impression. J’ajouterai volontiers Michèle Torr, Michelle ma belle, Michèle Mercier, toutes les Michelle que j’aime et même la mère Michel sans laquelle le chat de Schroedinger, l’eusses-tu cru, ne serait rien dans l’histoire.

Oui, il faut garder son quant-à-soi. Songez à toutes ces oies blanches parties se perdre sur des chemins de traverse : elles que des vols sots déroutèrent auraient du relire Voltaire et Rousseau.

« Zadig Zadig en revenant de Nantes » et « Adieu l’Emile je t’aimais bien tu sais », on ne sort pas de là ! Ce sont les labourages et pâturages de la France et de la Suisse, les mamelles de Tirésias ou les onze mille verges de la vie en République.

Mais d’un coup je m’égare en poésie, c’est un travers dont je ne me Kierkegarde jamais assez. Peut-être Apollinaire était-il socratique ? Car là où Socrate erre il y a des Lunatiques, le Sénèque plus ultra des Sélénites, en dessous tu tires l’échelle, tout Fichte Lacan, il y a Elon Musk dans sa fusée, les petits hommes verts de la planète Marx qui t’engueulent sacrément... épicurien !

Dans le grand cocktail des métaphores et des années qui filent, comme on dit chez les bombyx, il vaut mieux garder son verre à soi que de faire de la peinture sur les autres.

Car c’est bien connu : tout ce qu’on file aux Sophie, l’existence nous le rend sous forme de dents de sagesse dont l’extraction est douloureuse. Tout comme l’est celle du lit après une nuit d’insomnie durant laquelle on a écrit, allongé, son Défi du samedi. Pour se relire après, c’est comme pour être à la mode, ce n’est point commode. Pour Humer le vent du succès il vaut mieux être assis aux première Lodge. Mais bon, vous savez ce que c’est, l’inspiration, elle vient quand elle veut, c’est une vraie tête de Bachelard, celle-là ! 

DDS 795 Rue Aimé Lavy

 

Ecrit pour le Défi du samedi n° 795 à partir de cette consigne : Quant-à-soi.

22 novembre 2023

LE JOUR SUIVANT

AEV 2324-09 JK 01Le jour suivant Mitsumasa fut très déçu par le Grand Canal : il était tout petit ! Au pied de l'église Santa Maria della Salute il n'y avait que cinq gondoles. C'est tout juste si les gondoliers présents ne se battaient pas entre eux pour proposer une balade en amoureux au seul couple de touristes qui déambulait à proximité de l’embarcadère sur la piazzetta.

AEV 2324-09 JK 07C'est vrai qu’au prix de la course vers le Pont des Soupirs ou le Rialto il ne fallait pas aller chercher plus loin les vrais pigeons de Venise.

Mitsumasa alla s'enregistrer à la Pensione Wildner où il hérita de la chambre n°28. Ce numéro était également celui du jour où il était né. Après avoir confié son cheval à un palefrenier très bronzé il revint à pied prendre la température du lieu.

AEV 2324-09 JK 03Tout était pittoresque en diable ! Devant l'église fermée deux paysannes locales, un fichu sur la tête, semblaient se prendre en photo avec une perche à selfie. C'était d'autant plus incongru qu’un peu plus loin à droite un photographe de rue proposait ses services à un officier de marine accompagné d'une hôtesse de l'air. Son appareil ancestral, semblable à ceux dessinés par Albert Dubout dans son recueil « Les Photographes » était posé sur un trépied et devait encore fonctionner avec des plaques rigides.

AEV 2324-09 JK 05- Soit quelque chose cloche par ici, soit il y a des problèmes dans la temporalité de cet univers ou de l'Italie tout entière ! » songea Mitsumasa.

 De fait, à droite du photographe, un médecin en robe et portant un chapeau moyen-âgeux avait posé sur des tréteaux roulants trois gobelets renversés. 

AEV 2324-09 JK 09Proposait-t-il une partie de bonneteau ? Ou bien, comme il brandissait un flacon, commercialisait-il en Europe le fameux élixir du docteur Doxey fabriqué en Amérique avec des ingrédients qui devaient rester aussi secrets que la lettre de Coralie ?

Mitsumasa avait eu droit, sans en comprendre un traître mot, à toute l'histoire que Giacomo avait contée à voix forte au gendarme de Saint-Tropez en képi et ceinture blanche et qu’avait écoutée également dame Véronica en jupe rouge et pull vert.

AEV 2324-09 JK 02- Je l'ai retrouvée dans mon grenier cette lettre écrite par une certaine Coralie il y a quelques vingt ans ! D'après son contenu il paraît que j'étais chargé de la remettre alors à mon ami Giambattista. C'est une jeune fille de 19 ans qui était tombée amoureuse de lui bien qu’il fût marié depuis peu et qui lui disait son souhait de le revoir pour l'embrasser  !

- Et plus si affinités, sans doute ? demanda Veronica.

- On ne saura jamais ! Si j'ai retrouvé la lettre vingt ans après c'est que je ne l'ai pas remise !

- Mais tu es un vrai père La Morale, Giacomo Crapovio ! commenta le gendarme. Je n'aurais jamais cru cela de toi !

- Un père La Morale ? Tu parles ! Un vrai tue-l’amour, oui ! commenta Véronica.

AEV 2324-09 JK 04

A proximité, deux touristes français, un homme et une femme, s'étaient assis sur les marches de l'église avec leurs lourdes valises posées à même le sol. Sans doute repartaient-ils vers la gare. Ernest avait encore sur l'arcade sourcilière le sparadrap dont Margaret l'avait artistiquement décoré après la bagarre de la veille au Harry’s bar.

- Eh bien ! On s'en souviendra de notre voyage de noces à Venise ! rigolait-elle.

- Je savais que l'Italie avait la réputation d'être un peu tape-à-l'oeil mais je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi frappant ! admit Ernest.

AEV 2324-09 JK 06Un peu plus loin sur les marches trois ragazzi della cita, des ados en goguette, des zazous en sweat à capuche zonaient en zyeutant le groupe de touristes attroupé autour de Zampano qui chantait des tarentelles accompagné de Gelsomina à l'accordéon. Il y avait peut-être des poches à se faire, mieux remplies que celle qu’Ernest avait sous les yeux.

Comme on approchait de midi Mitsumasa alla s'installer en terrasse du restaurant proche. Il ne déjeuna pas vraiment tranquillement : il fut importuné alors qu'il dégustait son plat de spaghetti par une mendiante qui portait son bébé dans un sac ventral puis par une gamine qui tenait à tout prix à ce qu'il lui achetât un bouquet de fleurs pour sa « donna ».


AEV 2324-09 JK 08

 Il avait trop peu encore de vocabulaire italien pour pouvoir expliquer à la fillette qu’il avait divorcé récemment et qu'il était revenu en Italie afin de retrouver une nommé Coralie qu'il avait connue par ici une vingtaine d'années auparavant.


Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 21 novembre 2023

d'après la consigne 2324-09 ci-dessous

19 novembre 2023

SIX POÈMES DE LAUTRÉAVAL EXTRAITS DE «EFFLEURE LE MAL »

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Je bous dans la marmite
Je prépare dynamite

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
La vapeur s'échappe
Et moi sous la chape
Je répète un plomb

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
La tristesse m'accable
Et je suis bien capable
De vous péter un câble

Je pars vers l'azimut
Dans ma cocotte-minute

Que tourne le sifflet la grande explosion !

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Je balance mon contre-ut
Un arc-en-ciel paraît
Qui vient porter au monde
Et mon ébullition
Et ma bénédiction

Je suis une horreur sympathique,
au fond.

2023-11-04 Nikon 8

***

Le Roi d'un pays pluvieux

Le roi d'un pays pluvieux
Nous n'avons rien à lui envier

Nous aussi nous sommes plus vieux
D'un jour chaque jour
D’un mois chaque mois
D'un an chaque année

Le roi d'un pays pluvieux
Tout aussi arrosé que nous
Et même plus

Rien ne nous oblige, nous,
A discourir sous la pluie,
Comme fit François de Hollande

AEV 2324-08 JK - francois hollande

***

Chanson d'après-midi

Tout ce qu'on a pu
S'enfiler
Comme faux-filet
Et vraie bidoche !

Tout ce qu'on a pu
Biberonner
Comme Côtes-du-Rhône
Et vins de Loches !

Tout ce qu'on a pu
Fréquenter
Comme bons pâtés
A la cantoche !

Tout ce qu'on a pu
On y est rompu
On s'y est rompu
La sous-ventrière
Qui traîne par terre

On a pu On a pu On a pu
On est repu !

AEV 2324-08 JK Gargantua

***

Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne

Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne
Mais qui donc a percé tous ces trous dans ta robe ?

Pourquoi tes jeans sont-ils déchirés à ce point ?
Et pourquoi tant d'étoiles tatouées sur tes épaules ?

Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne
Mais pourquoi cet hommage à Io la vache
Sous forme d'anneau dans le nez
Comment c’est que voilà qu’ t’es ?

Peut-être n’es-tu, tout simplement, qu’un ciel brouillé ?
Je vais demander à la lune de m'éclairer.

AEV 2324-08 JK jai-demande-a-la-lune

***

J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans

J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans
Et pourtant je n'en ai que neuf-cent-trente-deux

methuselah_vitrail

***

Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire

Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire
De Don Juan aux enfers, à celle qui est trop gaie ?

Que tu regrettes l’irréparable ?

Le serpent qui danse dans ta sépulture
Est le châtiment de l'orgueil.

Comme tu retournerais à la vie antérieure !
Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle !
Tu renierais ton obsession,
Apprendrais l'harmonie du soir.

Mais crève, Tenorio ! Apprends donc le goût du néant
Et l'alchimie de la douleur !

Cloître ! Cloître ! Cloîtré !
Tombe ! Tombe ! Tombé !

Fais ton festin de pierres et de terre à jamais !

AEV 2324-08 JK Molière_frontispice_de_Dom_Juan

 

Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 16 novembre 2023

d'après la consigne 2324-08 ci-dessous

18 novembre 2023

LA PARENTHÈSE

Il est vraiment dommage que je ne sois pas ici pour raconter ma vie !

Parce qu’aujourd’hui, j’aurais pu ouvrir une parenthèse dans mon récit pour vous relater l’épisode de notre parenthèse.

D 93 11 16 Pénichette à Sablé

Notre parenthèse à nous est constituée des années que nous avons passées à Samfou-les-Boules, une localité du Sud de la Sarthe, un petit royaume (la Sabolie !) tout à fait à part dans notre grande République française. Dans notre trajet d’Est en Ouest, de Paris à Rennes, ce séjour a duré de janvier 1985 à août 1997.

Une parenthèse de douze ans quand même, donc conséquente. Dans ce jardin extraordinaire qu’est le département n° 72, j’ai mené la vie de château et, soit dit entre parenthèses, j’ai planté deux petites graines qui ont bien poussé depuis et sont toujours chères à mon coeur, même si je n’en parle pas souvent et pour ainsi dire jamais par ici.

C’est ça, la vie privée, ça ne regarde que nous. Par contre je n’ai aucun scrupule à vous conter ma vie de château, d’autant plus que je viens de décider cette semaine de mettre mon blog entre parenthèses et de m’en servir pour partager « les Trésors de papier » que j’ai empruntés à la Bibliothèque nationale.

Cet établissement possédait (possède toujours mais plus pour longtemps), dans cette ville de Samfou-les-Boules, un « hôpital pour livres » où l’on envoie les documents en péril des collections parisiennes afin qu’ils y soient photographiés, chimiquement traités, thermocollés puis reliés ou mis sous pochette de papier permanent. Mon travail s’inscrivait dans cette chaîne de traitement. Cela a eu pour effet que j’ai vu passer pendant tout ce temps des documents pour le moins inattendus : le fonds 8° Y2 de littérature romanesque du XIXe siècle avec les premiers ouvrages de la Bibliothèque rose, « Télémaque » de Fénelon qui semble avoir eu à l’époque le même succès que "Harry Potter" de nos jours, la palanquée de prénoms de Madame Gyp (Sibylle-Gabrielle-Marie-Antoinette de Riquetti de Mirabeau, comtesse de Martel de Janville), les œuvres complètes du chanoine Schmid (totalement oubliées depuis leur parution !), la totalité des ouvrages publiés en Indochine de 1922 à 1954, le fonds Ln27 consacré aux pamphlets divers et variés parus avant et pendant la Révolution française, des cartes géographiques, des affiches électorales…

Tangram à 29 pièces réduit

Tout ce travail de sauvegarde et de microfilmage a été récupéré plus tard sur la plate-forme en ligne Gallica mais je n’y ai pas retrouvé l’ouvrage « Cach dung khai tri ban » de M. Nguyen Ba Xuong paru en 1933 dont j’avais photocopié (ce n’est pas bien du tout, je l’avoue), pour usage personnel ou plutôt pour mémoire, deux pages très intéressantes. On trouve là en effet le plan d’un jeu de tangram à 29 pièces que je me fais fort de reconstituer en cartonnette ce week-end pour occuper le temps libre dont je dispose désormais (mais en quantité plus que réduite) à imaginer de nouvelles formes graphiques (les puzzles de mille pièce avec « que du ciel » ne me suffisent plus!).

Comment ? J’ai déjà rempli une page ? Alors je vais arrêter là (je ne suis pas ici pour raconter ma vie !) et vous faire cadeau de deux objets relatifs à la Belgique : une carte ancienne du royaume et une publicité surréaliste et magrittéenne avant l’heure (c’est le cas de le dire !).

Léo Belgicus (ensemble) réduit

Publicité Pipe-chronomètre recadrée

P.S. Merci à l’oncle Walrus de ne pas nous proposer « Quoc ngu » la semaine prochaine, je viens de donner dans le genre aujourd’hui et je n’ai pas envie de recopier les accents à la main ( comme je l'ai fait pendant deux ans ! Je ne l’ai pas fait, du reste sur le titre mentionné dans ce texte !).

Ecrit pour le Défi du samedi n° 794 à partir de cette consigne : Parenthèse

17 novembre 2023

L’HEURE DU FLORILÈGE

Jeu 88 de Filigrane - fleursNB

Je ne suis pas ici pour raconter ma vie mais l’heure est peut-être venue de rassembler les fleurs que je sème à tous vents. Ce n’est pas que l’idée de disparaître ou celle de tout changer me taraudent. Tout changer, mon épouse s’en charge, tout le temps ! Disparaître, je n’y tiens pas, j’ai encore un puzzle plein de ciel à terminer et j’attends d’abord qu’il neige à Noël. Vous voyez, ça peut durer encore longtemps ! 

2023-11-17 285 3

C’est juste que j’ai éclaté de rire comme ce n’est pas permis, récemment, en relisant le classeur transparent. J’y ai retrouvé les textes que j’écrivais vers 2005 et alentours, après l’aventure de « Rennes en délires » et avant celle des ateliers d’écriture en ligne. J’allais les dire ou les chanter, à cette époque, au café-slam des Champs libres ou au 1er étage du café l’Amaryllis.

En voici deux qui croisent le grand Charles et qui sont bien contents de venir se poser sur la toile comme des insectes sur une fleur. Puissent-ils y butiner vos sourires !

2023-11-17 285 2

BLA BLA ATROCE

Souvent, pour abuser, les hommes d'équipage
Tiennent bla-blas atroces, aphtes oiseux, délétères,
Qui suivent, insolents compagnons de voyage,
Le sabir incessant des ondes nycthémères.

A peine les ont-ils tenus sur les radeaux,
Que ces rois de l' « Osons ! », bien droits et peu honteux,
Laissent éhontément leurs insanes propos
Comme des alluvions traîner à côté d'eux.

Ces blablateurs zélés, comme ils sont moches et veules !
Du langage si beau, qu'il est tragique et laid
L'usage qu’ils nous font, tous ces va-de-la-gueule
Qui nous miment en trois temps Bouvard et Pécuchet!

Le vent d’Ouest est semblable au souffle désuet
Qui promet la tempête et ne fait que passer,
Chantant le droit du sol au milieu des nuées :
Son zèle de béant l'empêche de penser.


RECUEILLEMENT CHEZ LE DENTISTE

Sois sage ô ma douleur et laiss’ fair’ le dentiste !
Pour soigner mon palais où règne la fournaise
Tu réclamais sa science : il ramène sa fraise !
Il s’en vient t’apaiser : fais confiance à l’artiste !

Pendant que des mortels la multitude triste
Sous le fouet du travail, ce bourreau sans merci
Va et souffre au-dehors, nous ici, à l’abri,
Dans le blanc cabinet de ce grand spécialiste

Nous allons mettre un terme à ton travail de sape.
Mais à bien regarder l’élève d’Esculape
Une frayeur me vient devant son attirail :

Sa tenaille est rouillée, son chalumeau pourri
Et l’homme a revêtu un vieux bleu de travail :
Entends, ma chère, entends le plombier qui sévit ! 



Ecrit - et recueilli - pour le jeu n° 88 de Filigrane d'après cette consigne

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